LES BASES

  • SAF/TCAF : ce qu’il faut savoir
  • Estimation de la fréquence en population générale et en familles d’accueil

DU DOUTE À LA PRISE DE CONSCIENCE

  • Quels signes doivent vous alerter et comment en parler à votre référent ?
  • La prise de conscience par l’équipe pluri-disciplinaire

LE DIAGNOSTIC

  • Un passage essentiel pour votre vie quotidienne et une scolarité adaptée
  • Les étapes diagnostic et comment, malgré le placement, obtenir les autorisations du service et de l’autorité parentale

AU QUOTIDIEN

  • Moi, famille d’accueil, que puis-je faire ?
  • Et surtout n’oubliez pas…

RESSOURCES

LES BASES

SAF/TCAF : ce qu’il faut savoir

Il n’est pas besoin d’avoir un problème avec l’alcool pour donner naissance à un enfant qui présentera des TCAF. Une consommation de 2 verres par jour, dite « raisonnable » pour une femme non enceinte est une consommation à risque de TCAF pour une femme enceinte.

Il peut s’agir aussi d’une maman « festive » qui ne s’alcoolise qu’en soirée ou, cas le plus fréquent, qui ne boit que de la bière et n’a pas conscience de consommer de l’alcool …

Quand une femme enceinte consomme des boissons alcoolisées, l’alcool traverse la barrière placentaire et expose le fœtus au même niveau d’alcoolémie que sa mère, alors que son foie est immature et incapable de métaboliser la molécule. A tous les stades de la grossesse, l’alcool affecte le bon développement du futur bébé, et surtout de son cerveau.

Le terme « Troubles Causés par l’Alcoolisation Fœtale » (TCAF) regroupe l’ensemble des handicaps physiques, cognitifs et comportementaux rencontrés chez les enfants qui ont été exposés à l’alcool avant leur naissance.

La forme la plus grave, mais la moins courante, est le Syndrome d’alcoolisation Fœtale (SAF), visible à la naissance, qui se traduit par un retard staturo-pondéral, un petit périmètre crânien et des malformations faciales caractéristiques.

Mais les dommages les plus importants, sont ceux, irréversibles, causés au cerveau de l’enfant en développement. Ces lésions neurologiques se rencontrent avec une même gravité chez les enfants avec un SAF ou des TCAF.

On entend souvent : « cet enfant n’a pas le faciès caractéristique, ses difficultés ne peuvent pas venir d’une exposition à l’alcool pendant la grossesse« . C’est une erreur très courante. Pour la grande majorité des enfants présentant des TCAF il n’existe aucune malformation physique, d’où le terme de handicap invisible. Malheureusement les troubles qu’ils développeront seront aussi graves que pour un SAF, mais ils seront plus difficilement diagnostiqués, personne ne pensant à les relier à une possible exposition prénatale à l’alcool.

Fréquence en population générale et en familles d’accueil

  • Malgré l’absence de données chiffrées précises, en France, la fréquence des TCAF est estimée à 1% des naissances, soit environ 8.000 enfants par an. Parmi celles-ci, on estime que 800 enfants au moins présentent un SAF. L’exposition intra utérine à l’alcool est la première cause de handicap mental non-génétique en France, devant l’autisme.
  • SAF et TCAF sont très fréquents chez les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Nous ne disposons pas de données chiffrées en France, mais selon des données américaines et canadiennes, on trouve chez les enfants placés 10 à 15 fois plus d’enfants affectés par une exposition prénatale à l’alcool que dans la population générale et aussi 10 fois plus d’enfants SAF que dans la population générale. Il n’y a pas de raison pour que cela soit très différent chez nous.
  • Les enfants de l’ASE présentant des TCAF sont le plus souvent peu ou mal diagnostiqués. Il y a confusion entre le symptôme et la cause : Ils sont diagnostiqués TDA/H ou atteints de troubles DYS, alors que ces troubles peuvent être des conséquences des TCAF.
  • Si l’histoire familiale de l’enfant dont vous avez la charge est marquée par des addictions (alcool, drogues), celui-ci a beaucoup plus de risques de développer des TCAF. Aux USA, 75% des enfants placés ont une histoire familiale marquée par la maladie mentale et par l’abus de drogues et d’alcool.

DU DOUTE À LA PRISE DE CONSCIENCE

Quels signes doivent vous alerter et comment en parler à votre référent ?

De par sa fonction, il est du devoir d’un(e) assistant(e) familial(e) d’observer l’enfant accueilli. Cette place privilégiée auprès des enfants est surtout due au fait que l’assistant(e) familial(e) vit 24h/24h avec eux, au contraire des autres intervenants liés au placement. Cette proximité permet de constater que les problèmes rencontrés peuvent être traités grâce à la reconnaissance d’une pathologie et d’obtenir de l’aide pour de meilleurs suivis et prises en charge du placement.

Beaucoup de problèmes liés à une alcoolisation fœtale sont identiques aux problèmes liés au placement (trouble de l’attention/retard de croissance/problèmes affectifs). Il ne faut donc pas se focaliser sur le placement mais observer les problèmes et peut-être envisager des TCAF.

Des difficultés d’apprentissages ou de comportement doivent attirer votre attention. Plus précisément (et selon l’âge de l’enfant) en ce qui concerne les :

Acquisitions difficiles à la maison :

  • Coordination et habillage
  • Langage
  • Autonomie et alimentation
  • Hygiène

Apprentissages difficiles à l’école :

  • Attention
  • Mémoire
  • Perception du temps et de l’espace
  • Organisation
  • Abstraction (calcul, grammaire, logique)
  • Gestion du changement

Troubles du comportement :

  • Hyperactivité
  • Impulsivité, colère
  • Immaturité
  • Familiarité excessive avec les inconnus
  • Faible compréhension des consignes, des règles sociales et de la notion de propriété
  • Nécessité d’une surveillance constante

Particularités physiques (dans le cas d’un SAF):

  • Faible poids et/ou taille (dès la naissance et non récupérés par la suite)
  • Petit périmètre crânien (dès la naissance et non récupéré par la suite)
  • Faciès caractéristique, visible dans l’enfance, moins par la suite (figure ci-dessus)
  • Autres malformations (cardiaques, des oreilles, …)

Il faut être particulièrement vigilant lorsqu’on sait que la maman a consommé des boissons alcoolisées pendant sa grossesse.

Ecoutez l’enfant, son histoire, si vous avez la possibilté de rencontrer les parents, écoutez leur « histoire », leur quotidien. Cela vous paraîtra anodin mais cela peut apporter de nombreuses informations auxquelles on ne pense pas forcément (ex : déni de grossesse pour cet enfant/ état dépressif avec prise d’alcool et médicaments pendant la grossesse/ parents participants à des soirées alcoolisées, …).

Demandez-vous si l’enfant que vous hébergez répond à plusieurs des critères suivants :

  • A subi un grand nombre de placements
  • A des parents biologiques usant de drogues et d’alcool
  • A des difficultés avec les relations amicales (beaucoup d’amitiés superficielles ou bien des amis qui profitent de lui)
  • A reçu différents diagnostics au cours des années, mais aucun qui colle vraiment
  • A suivi différents traitements, thérapies, conseils, mais sans amélioration
  • A un comportement impulsif, semble répéter toujours les mêmes erreurs
  • A des fréquentations louches, dans des situations à risques
  • A reçu un diagnostic de retard intellectuel

Une réponse positive à la plupart de ces questions doit vous inciter à envisager une exposition prénatale à l’alcool.

La prise de conscience par l’équipe pluri-disciplinaire

L’assistant familial n’est pas un médecin il ne lui appartient donc  pas de poser un diagnostic, mais il peut légitimement avoir une action de repérage. S’il constate un faisceau d’indices convergents parmi les éléments précédemment cités, il peut évoquer une possibilité d’alcoolisation fœtale et suggérer à son équipe pluridisciplinaire de lancer une démarche de diagnostic complète.

L’assistant familial n’est pas détenteur de l’autorité parentale et de ce fait n’a aucun pouvoir de décision directe par rapport à un enfant accueilli. Mais, son statut lui permet de rapporter oralement ou (mieux) par écrit, les constatations liées à un accueil auprès du référent de l’enfant et, suivant les départements, aussi auprès du référent SAFI (service d’accueil familial immédiat).

Ecoutez aussi les autres partenaires liés au placement (référent/éducateur): Ils s’opposeront peut-être à votre suggestion, probablement par manque de connaissance de ce sujet. Peu ou pas informés, les travailleurs sociaux se sentent démunis face à cette pathologie. En tant qu’assistant familial il vous est possible de parler du SAF autour de vous, d’informer les professionnels de la gravité des problèmes et de les inciter à s’informer, par exemple auprès de « Vivre avec le SAF ».

Selon la gravité des atteintes,élever un tel enfant est un véritable parcours du combattant pour tous les parents : c’est épuisant, on a souvent l’impression d’être dépassé par ces comportements qu’on ne comprend pas. Il arrive fréquemment que les familles d’accueil ne s’en sortent pas. Epuisées, elles risquent de faire une rupture de contrat et de rendre l’enfant aux services sociaux. Ballotés de familles en familles, ces enfants risquent de perdre définitivement leurs repères, leur estime d’eux-mêmes et de s’enfoncer dans les difficultés.

Un enfant placé atteint de TCAF est souvent un enfant mal compris. Son comportement est souvent pris pour de la mauvaise volonté, de la provocation, ou, dans le cas des enfants ayant fait l’objet d’un placement suite à un jugement, comme le résultat d’une éducation familiale défaillante.

Sans prise de conscience des familles d’accueil et des services sociaux et sans suivi médico-social adapté, cet enfant pourra développer des troubles secondaires tels que :

  • Découragement, mauvaise estime de soi
  • Anxiété, irritabilité, dépression
  • Opposition, fugues
  • Rupture scolaire
  • Vulnérabilité à de mauvaises influences
  • Conduites à risques (alcool, drogues, sexe)
  •  Comportements déplacés vis à vis de tiers
  • Démêlés avec la justice

Ces conséquences ne sont pas rares : sans accompagnement adapté, elles surviennent dans plus de la moitié des cas.

De plus, passés 18 ans, les enfants placés sont « lâchés dans la nature », avec l’arrêt brutal de toute aide.

Dans le cas des enfants avec un SAF ou des TCAF, à la scolarité plus que chaotique, seuls ceux souhaitant terminer un parcours scolaire (CAP par exemple) pourront éventuellement profiter des contrats jeunes majeurs. Mais ces aides, prolongeant l’accompagnement des jeunes jusqu’à leurs 21 ans, sont peu attribuées, faute de moyens.

Dans notre pays, on estime que près d’un SDF de moins de 30 ans sur quatre est un ancien enfant placé. 

Combien de cas de SAF/TCAF parmi eux ?

LE DIAGNOSTIC

Un passage essentiel pour votre vie de tous les jours et une scolarité adaptée

S’il vous semble reconnaître ces troubles chez l’enfant que vous hébergez, faites très rapidement part de votre questionnement à votre référent.

Seul un diagnostic médical approfondi permettra de confirmer ou non le diagnostic et d’évaluer l’étendue des troubles afin d’orienter l’enfant vers une prise en charge thérapeutique adaptée, capable d’apporter une amélioration significative de son fonctionnement, sans parler de l’amélioration des interactions parents/enfant. Si on ne peut guérir les TCAF, l’enfant peut apprendre à compenser ses déficits, ce qui lui donne de bien meilleures chances pour l’avenir !

Le premier bénéfice est que l’enfant saura qu’il n’est pas responsable de ses difficultés. Il pourra apprendre à compenser ses déficits, ce qui lui donnera de bien meilleures chances pour l’avenir !

De plus, connaissant la cause, il sera plus facile de dépister d’éventuelles maladies ou malformations associées (cardiaques par exemple), de prévoir l’évolution comportementale de l’enfant et donc d’être plus vigilant.

Professionnellement, vous comprendrez mieux l’enfant et serez à même de mieux l’éduquer et d’intercéder pour lui, avec en prime, moins de fatigue et de stress !

Plus le diagnostic est précoce, plus il sera possible de réduire efficacement les manifestations du SAF ou des TCAF. 

Etapes du diagnostic – Comment, malgré le placement, obtenir les autorisations du service et de l’autorité parentale

Rappelons que les assistants familiaux sont des travailleurs sociaux, devant appliquer une réglementation stricte en rapport avec leur fonction et rôle auprès d’un enfant accueilli.

De par le statut particulier de l’assistant familial qui accueille et éduque un enfant au sein de son foyer, mais n’a aucun pouvoir juridique, et n’est pas détenteur de l’autorité parentale, la prise en charge d’un enfant présentant des TCAF va demander une concertation entre tous les intervenants s’occupant de l’enfant. Il vous faudra obtenir l’accord de votre référent et de la famille de l’enfant pour démarrer le parcours du diagnostic.

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Le travail de l’assistant familial ne pourra être pris en considération que grâce aux écrits détaillant les troubles qu’il constate, mais sans préjuger du diagnostic. En effet seul un médecin peut poser le diagnostic et le mentionner dans un document officiel ou un rapport médical.

Même si votre référent est conscient que l’enfant peut relever de cette pathologie, il va falloir travailler avec les parents sur une éventuelle prise en charge médicale. La difficulté majeure sera d’évoquer la consommation d’alcool auprès des parents. Comment leur annoncer alors qu’ils sont déjà en situation de souffrance, sans les culpabiliser , que les problèmes de leur enfant sont probablement liés à une consommation d’alcool lors de la grossesse ? L’équipe devra faire preuve de tact et d’empathie, car de l’acceptation des parents dépend le devenir de l’enfant.

N’hésitez pas à contacter notre association : Notre référente famille d’accueil saura vous conseiller efficacement. Nous saurons également vous orienter vers les professionnels compétents de votre région. Mais attention : les délais d’obtention de rendez-vous sont souvent de l’ordre de plusieurs mois.

Le parcours de diagnostic pour les enfants non placés est en général le suivant :

  • Visite chez le neuropédiatre
  • Réalisation d’analyses pour évacuer une possible cause génétique et vérifier les données physiologiques de l’enfant (recherche de malformations par exemple).
  • Bilan neuropsychologique, qui déterminera les domaines et l’étendue des déficits par des tests standardisés adaptés à l’âge.
  • Pose du diagnostic par le neuropédiatre
  • Médication et/ou parcours de soin (en CAMSP, CMP, CMPP, SESSAD selon l’âge de l’enfant) ou en libéral.
  • Eventuellement : ouverture d’un dossier MDPH, reconnaissance de handicap et attribution d’aides.

Pour les enfants placés, Le parcours est beaucoup moins linéaire. Chaque enfant placé est différent, selon son histoire et les causes du placement. Suivant le travail qui a déjà été mis en place, notre association peut vous aider à en parler et à développer votre parcours de soins pour amener au diagnostic.

AU QUOTIDIEN

Moi, famille d’accueil, que puis-je faire ?

Vous pouvez faire beaucoup ! Votre première tâche sera de l’accepter tel qu’il est, avec ses limites cognitives,pour pouvoir mieux l’aider à trouver ses points forts et ses faiblesses. Vous devrez être son deuxième cerveau, car le sien ne lui permet pas d’agir comme n’importe quel enfant.

Surtout, vous devrez lui fournir la stabilité affective et familiale qui est essentielle au bon développement de tout enfant, mais encore plus aux enfants avec SAF ou TCAF.

L’école doit vous permettre de faire remonter les problématiques que vous observez à votre domicile. Le système scolaire a des protocoles permettant la reconnaissance de ces enfants à besoins spécifiques et d’appuyer vos demandes de diagnostics.

Votre stratégie éducative devra inclure les 7 clés magiques* :

  • Etre clair, concis :ne pas faire d’ironie, ni parler au second degré
  • Cohérence: utiliser toujours les mêmes mots pour décrire les mêmes choses
  • Répéter : sa mémoire à court terme est peu efficace. Pour qu’une information soit enregistrée, il faut répéter encore et toujours.
  • Créer des routines à la maison : cela aidera l’enfant à intégrer les rythmes scolaires.
  • Simplifier: chaque jour l’enfant a des problèmes de mémoire, de motricité, d’attention, parfois d’hypersensibilité sensorielle, notamment visuelle et auditive. Il faut simplifier son environnement.
  • Structurer: un cadre quotidien organisé donne du sens au monde. C’est la base de la réussite!
  • Superviser: un enfant SAF/TCAF peut se comporter de manière naïve et se mettre en danger. Il a besoin d’être supervisé pour développer de bonnes habitudes.

* créées par Diane Malbin, USA – Traduit et adapté par SAFERA, Québec

Appuyez-vous sur notre guide pour les parents & les aidants.

Enfin, plutôt que le système récompense/punition, l’utilisation du renforcement positif (Toujours valoriser les succès, même les plus petits et dédramatiser les échecs), sera très bénéfique pour renforcer son estime de soi, malmenée par les échecs récurrents.

Rappelez-vous : ce n’est pas qu’il ne veut pas, c’est qu’il ne peut pas !

Et surtout n’oubliez pas…

  • N’oubliez pas de vous protéger ! Elever un tel enfant peut être épuisant : prenez des vacances, pensez aux familles relais. Bien préparé à ce changement de quelques jours ou semaines, l’enfant n’en souffrira pas.
  • N’oubliez pas d’échanger avec vos collègues ou bien avec les familles de notre association : à plusieurs, on est plus fort et on a plus d’idées !