L’alcool, un produit hautement toxique pour le futur enfant

 

Que ce soit des alcools forts, du vin, de la bière ou du cidre, lorsqu’une femme absorbe des boissons alcoolisées lors de sa grossesse, son bébé n’a aucun moyen de se défendre contre ce produit qui est hautement toxique pour lui.

L’alcool perturbe gravement le développement du fœtus durant toute la grossesse, et notamment celui de son cerveau. Les atteintes les plus graves se produisent au cours des trois premières semaines de grossesse, lorsque la future mère peut ne pas savoir qu’elle est enceinte. Mais le développement du cerveau du bébé peut être altéré tout au long de la grossesse par la consommation d’alcool.

 

On regroupe sous le nom Troubles du Spectre de l’Alcoolisation Fœtale (TSAF) les conséquences sur l’enfant de l’absorption de boissons alcoolisées par une femme lors de sa grossesse. La forme la plus visible en est le Syndrome d’Alcoolisation Foetale (SAF). Les TSAF font partie des troubles du neurodéveloppement, au même titre que l’autisme ou les troubles dys.

 

Les chiffres des TSAF en France

En France, environ un quart des femmes continue de consommer (régulièrement ou épisodiquement) des boissons alcoolisées pendant leur grossesse.

Sur les 750 000 naissances annuelles, on estime à :

– environ 8 000, le nombre de naissances d’enfants qui naîtront avec des TSAF.

– de 700 à 3 000 enfants qui seront concernés par un SAF grave, avec une incidence plus élevée sur l’île de la Réunion, dans le Nord-PasdeCalais, en Normandie et en Bretagne.

Il s’agit donc d’au moins 500 000 personnes qui vivent avec des conséquences d’une exposition prénatale à l’alcool sans le savoir et sans prise en charge spécifique.

Le coût pour la société est estimé à au moins 9 milliards d’euros par an (échec scolaire, délinquance, chômage,…).

SAF et TSAF sont la première cause de handicap et d’inadaptation sociale non-génétique en France, devant l’autisme et la trisomie 21.

(Source : Inserm «  Alcool, effets sur la santé », 2001. Enquête INVS de 20062008 (Faisabilité de la surveillance du syndrome d’alcoolisation foetale, France, 20062008, in Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 1011, 10 mars 2009).

 

T.S.A.F., le handicap invisible

Pour une minorité des enfants exposés, les séquelles d’une exposition prénatale à l’alcool seront visibles dès la naissance : retard de croissance, malformations physiques, notamment faciales, séquelles neurologiques : c’est le Syndrome d’Alcoolisation Fœtale (SAF).

 

Mais dans la grande majorité des cas, les séquelles ne sont pas directement visibles et ne seront pas repérés à la naissance. Elles se traduiront au cours du développement de l’enfant par des troubles cognitifs et comportementaux, plus ou moins importants selon la quantité d’alcool auquel le fœtus aura été exposé, son stade de développement lors de l’exposition, sa sensibilité génétique et celle de sa maman (métabolisation de l’alcool plus ou moins rapide).

 

Les séquelles neurologiques affectent des fonctions essentielles du cerveau et l’enfant, lors de sa scolarité, rencontrera des difficultés dans de nombreux domaines :

sa mémoire immédiate sera faible, il aura du mal à se concentrer, très souvent il sera hyper-actif, aura des problèmes de compréhension dans tous les domaines abstraits (grammaire, maths) . Il aura du mal à s’organiser, à s’orienter, il pourra éventuellement être hyper ou hypo sensible aux bruits ou aux odeurs, il montrera une sensibilité extrême  au stress et aux émotions, qui se traduira par de la colère ou des pleurs exagérés.

 

Ces troubles du neuro-développement résultent directement de l’effet de l’alcool sur le fœtus : ils sont irrémédiables.

A 12 ans, 75 % des garçons et 50 % des filles touchés par les T.S.A.F. sont en rupture scolaire.

Trop souvent non ou mal diagnostiqués, ces enfants se retrouvent à l’école face à un mur d’incompréhension. Leurs troubles sont interprétés à tort comme de la mauvaise volonté, de la provocation ou une éducation familiale déficiente. Ils font alors à l’école l’expérience de l’anxiété, du stress, du ressentiment et de l’injustice. La plupart perdent confiance en eux, s’isolent et souvent, deviennent agressifs ou sont victimes de harcèlement. A 12 ans, 75 % des garçons et 50 % des filles touchés par les T.S.A.F. sont en rupture scolaire. Sans un suivi adapté et le plus tôt possible, certains développeront des troubles psychologiques les menant à la délinquance, à la toxicomanie, mais aussi à la dépression et au suicide. En Irlande, une enquête portant sur la population carcérale a indiqué que 30 % des personnes incarcérées sont touchées par les T.S.A.F.

 

Un constat toujours alarmant

Les conséquences sur l’enfant de la consommation d’alcool pendant la grossesse restent largement tabous. Quoiqu’ayant été décrit pour la première fois en France par le Dr Lemoine en 1968,  c’est aux USA et au Canada que se développeront les recherches sur le SAF et l’accompagnement des personnes affectées. En France, il faudra attendre 2007 pour voir la création d’un pictogramme de prévention sur les bouteilles de boissons alcoolisées.  Mais sans charte graphique précisant taille et couleur,  il est quasi invisible et inefficace. L’année 2008 verra la création en France métropolitaine d’une association de prévention (SAF France).  “Vivre avec le SAF” , première association de familles, verra le jour en 2012.

 

A l’heure actuelle, le constat social des TSAF reste  alarmant:

  • Très peu de personnes connaissent précisément les conséquences de l’alcool sur le fœtus.
  • Les médecins généralistes ne savent pas repérer les TSAF.
  • Les enseignants qui sont en première ligne après les parents, n’ont aucune connaissance du problème ni de formation, alors qu’ils y seront inévitablement confrontés de nombreuses fois durant leur carrière.
  • Les assistants familiaux qui accueillent les enfants placés par l’Aide Sociale à l’Enfance n’ont aucune formation sur les spécificités de ces enfants, plus fréquemment touchés que la moyenne des enfants.
  • Le secteur médico-social ignore très largement cette pathologie.
  • Il n’existe aucune prise en charge spécifique pour les adultes, et même l’obtention d’un diagnostic reste très compliquée passé 18 ans.

Des évolutions positives

Toutefois, grâce à l’engagement d’une poignée de médecins et des associations, les choses commencent à bouger. L’intégration des conséquences de l’alcoolisation fœtale dans le plan  » Autisme au sein des Troubles du Neuro Développement » en 2018 a nettement contribué à donner une visibilité aux TSAF.

Repérage et prise en charge précoce des TSAF commencent à être intégrés dans les appels à projets des ARS et de la CPAM. Certains départements, à travers leurs services de PMI et d’ASE ont pris la mesure du problème et ont répondu à ces appels à projets afin de former leur personnel.

Au niveau régional, des réseaux de périnatalité s’organisent autour du repérage des mamans en difficulté avec l’alcool et les enfants exposés à l’alcool sont intégrés dans les filières enfants vulnérables.

Cependant, cette prise de conscience reste trop souvent le fait de volontés individuelles et n’est pas répandue sur la totalité de notre pays, d’où une grande disparité dans l’offre de diagnostic et de soins au niveau des territoires.

Le Vaucluse, parmi d’autres départements, est un bon exemple de l’engagement des professionnels sur le sujet.

L’engagement du Vaucluse

 

En  2019 un groupe de travail sur le sujet « Alcool et grossesse » a vu le jour en Vaucluse, à l’initiative de l’association Vivre avec le SAF, soutenue par l’hôpital psychiatrique de Montfavet. Il rassemble des membres des organismes du secteur médical et médico-social en Vaucluse. Ce groupe de travail est animé par le CODES 84, comité départemental d’éducation pour la santé. Ces rencontres ont permis d’établir un état des lieux (ressources mobilisables, actions réalisées, attentes des partenaires) et de définir des actions répondant aux priorités du territoire.

L’ objectif est de nourrir un réseau départemental des acteurs de la périnatalité et de la petite enfance autour d’un phénomène de santé publique demeurant assez peu exprimé, documenté et exploré et dont les enjeux apparaissent particulièrement sensibles en Vaucluse. Rappelons qu’il s’agit du département le plus fortement précarisé de la région PACA (région elle-même précaire d’un point de vue socio-économique), avec  un taux de pauvreté de 20.4 % (3 points de plus par rapport à la région et 6 points de plus par rapport à la France métropolitaine).

 

L’engagement du groupe sur ces questions ayant été très soutenu, nous avons répondu en juillet 2020 à un appel à projet de l’ARS. Pour les 3 ans à venir, sous le leadership du CODES 84 et avec l’aide d’un(e) chargé(e) de projet en cours de recrutement, nous travaillerons donc sur :

  • la prévention et l’information auprès des femmes enceintes du département,
  • la formation des assistants familiaux,
  • le repérage des consommations par les professionnels de santé (la sous-estimation de la consommation réelle est un problème important).

 

 

 

 

 

Une première action d’information aura lieu le jeudi 9 septembre prochain, de 14h à 17h, à la maternité d’Orange où nous tiendrons un stand sur les conséquences des troubles liés à l’exposition prénatale à l’alcool. Des médecins, des sages-femmes, des spécialistes de l’addiction et l’association Vivre avec le SAF seront présents sur place pour répondre aux questions des futurs parents. Cette action, à laquelle s’associe le Département, s’inscrit dans le cadre de la Journée Mondiale de Prévention des TSAF et avait déjà eu lieu en 2019 à l’hôpital d’Avignon.

Concernant la formation des assistants familiaux, il faut savoir que les TSAF sont très fréquents chez les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Nous ne disposons pas de données chiffrées en France, mais selon des données américaines et canadiennes, on trouve chez les enfants placés 10 à 15 fois plus d’enfants affectés par une exposition prénatale à l’alcool que dans la population générale et aussi 10 fois plus d’enfants avec un SAF que dans la population générale. Il n’y a pas de raison pour que cela soit très différent chez nous. Dès 2022, en collaboration avec les services de l’ASE, des conférences seront donc organisées sur le territoire vauclusien afin de donner à ces professionnels les connaissances de base sur les TSAF, tant au niveau médical que sur la manière de repérer ces enfants souvent en grande difficultés. Prendre en charge ces enfants dès leur plus jeune âge, c’est leur donner un avenir et leur éviter de se retrouver à la rue à 18 ans.

Ce programme de travail fait écho et rejoint un appel à projet lancé par la CPAM, et auquel a répondu la Protection Maternelle et Infantile (PMI) du Conseil Départemental de Vaucluse, consistant à sensibiliser les professionnels de la PMI et de la petite enfance au repérage des troubles liés à l’alcoolisation fœtale chez les enfants. L’association Vivre avec le SAF est également partenaire de ce projet.

 

Ces ambitieux programmes de formation placeraient le Vaucluse parmi les départements les plus en avance sur le sujet dans notre pays.